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Page:Nerval - La Bohème galante, 1855.djvu/206

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192 LA BOHÊME GALANTE. inciblement à la salle de danse, où vous commencez à vous débattre contre les marchandes de biscuits et de gâteaux. On arrive dans la première pièce, où sont les tables, et où Ton a lé droit d’échanger son bil- let de 25 centimes contre la même somme en consomma- tion. Vous apercevez des colonnes entre lesquelles s’agi- tent des quadrilles joyeux. Un sergent de ville vous avertit paternellement que Ton ne peut fumer que dans la -saile d’entrée, — le prodrome. Nous jetons nos bouts de cigare, immédiatement ramas- sés par des jeunes gens moins fortunés que nous. — M^is, vraiment , le bal est très-bien ; on se croirait dans le monde — si Ton ne s’arrêtait à quelques imperfections de costume. C’est, au fond, ce qu’on appelle à Vienne un bal négligé. Ne faites pas le fier. — Les femmes qui sont là en valent bien d’autres, et l’on peut dire des hommes, on parodiant certains vers d’Alfred de Musset sur les derviches turcs: Ne les dérange pas, ils t’appelleraient chien... Ne les insulte pas, car ils te valent bien ! Tâchez de trouver dans le monde une pareilleanimation. La salle est assez grande et peinte en jaune. Les gens res- pectables s’adossent aux colonnes, avec défense de fumer, et n’exposent que leurs poitrines aux coups de coude, et leurs pieds aux trépignements éperdus du galop et de la valse. Quand ladanses’arrôle, les tables se garnissent. Vers onze heures, les ouvrières sortent et font place à des peç- sonnes qui sortent des théâtres, des cafés-concerts et de