Page:Nerval - La Bohème galante, 1855.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
11
LA BOHÈME GALANTE

On renvoya le médecin, et nous dîmes à Théo : « Lève-toi… et viens boire. » La faiblesse de son estomac nous inquiéta d’abord. (Il s’était endormi et senti malade à la première représentation de Robert le Diable.) On rappela le médecin. Ce dernier se mit à réfléchir, et, le voyant plein de santé au réveil, dit aux parents : « Ses amis ont peut-être raison. »

Depuis ce temps-là, le Théophile refleurit. — On ne parla plus de ventouses, et on nous l’abandonna. La nature l’avait fait poëte, nos soins le firent presque immortel. Ce qui réussissait le plus sur son tempérament, c’était une certaine préparation de cassis sans sucre, que ses sœurs lui servaient dans d’énormes amphores en grés de la fabrique de Beauvais ; Ziégler a donné depuis des formes capricieuses à ce qui n’était alors que de simples cruches au ventre lourd. Lorsque nous nous communiquions nos inspirations poétiques, on faisait, par précaution, garnir la chambre de matelas, afin que le paroxysme, dû quelquefois au Bacchus du cassis, ne compromît pas nos têtes avec les angles des meubles.

Théophile, sauvé, n’a plus bu que de l’eau rougie et un doigt de Champagne dans les petits soupers.

III

la reine de saba


Revenons-y. — Nous avions désespéré d’attendrir la femme du commissaire. — Son mari, moins farouche