Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/114

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— Bonjour, la tante ! Voici vos enfants ! dit Sylvie ; nous avons bien faim !  

Elle l’embrassa tendrement, lui mit dans les bras la botte de fleurs, puis songea enfin à me présenter, en disant :

— C’est mon amoureux !  

J’embrassai à mon tour la tante qui dit :

— Il est gentil… C’est donc un blond ?

— Il a de jolis cheveux fins, dit Sylvie.

— Cela ne dure pas, dit la tante ; mais vous avez du temps devant vous, et toi qui es brune, cela t’assortit bien.

— Il faut le faire déjeuner, la tante, dit Sylvie.

Et elle alla cherchant dans les armoires, dans la huche, trouvant du lait, du pain bis, du sucre, étalant sans trop de soin sur la table les assiettes et les plats de faïence émaillés de larges fleurs et de coqs au vif plumage. Une jatte en porcelaine de Creil, pleine de lait où nageaient les fraises, devint le centre du service, et après avoir dépouillé le jardin de quelques poignées de cerises et de groseilles, elle disposa deux vases de fleurs aux deux bouts de la nappe. Mais la tante avait dit ces belles paroles :

— Tout cela, ce n’est que du dessert. Il faut me laisser faire à présent. 

Et elle avait décroché la poêle et jeté un fagot dans la haute cheminée.

— Je ne veux pas que tu touches à cela ! dit-elle à Sylvie, qui voulait l’aider ; abîmer tes jolis doigts qui font de la dentelle plus belle qu’à Chantilly ! tu m’en as donné, et je m’y connais.

— Ah ! oui, la tante !… Dites donc, si vous en avez des morceaux de l’ancienne, cela me fera des modèles.

— Eh bien ! va voir là-haut, dit la tante, il y en a peut-être dans ma commode.

— Donnez-moi les clefs, reprit Sylvie.

— Bah ! dit la tante, les tiroirs sont ouverts.

— Ce n’est pas vrai, il y en a un qui est toujours fermé.