Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/140

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diesses ingénues, et trouve dans les assonances, ménagées suffisamment d’ailleurs, toutes les ressources que la poésie doit lui offrir. Voilà deux charmantes chansons, qui ont comme un parfum de la Bible, dont la plupart des couplets sont perdus, parce que personne n’a jamais osé les écrire ou les imprimer. Nous en dirons autant de celle où se trouve la strophe suivante :

Enfin vous voilà donc, — Ma belle mariée, — Enfin vous voilà donc — À votre époux liée, — Avec un long fil d’or — Qui ne rompt qu’à la mort !

Quoi de plus pur d’ailleurs comme langue et comme pensée ; mais l’auteur de cet épithalame ne savait pas écrire, et l’imprimerie nous conserve les gravelures de Collé, de Piis et de Panard ! Les étrangers reprochent à notre peuple de n’avoir aucun sentiment de la poésie et de la couleur ; mais où trouver une composition et une imagination plus orientales que dans cette chanson de nos mariniers :

Ce sont les filles de la Rochelle — qui ont armé un bâtiment — Pour aller faire la course — dedans les mers du Levant.

La coque est en bois rouge, — Travaillé fort proprement ; — La mâture est en ivoire, — Les poulies en diamant.

La grand’voile est en dentelle, — La misaine en satin blanc ; — Les cordages du navire — Sont de fils d’or et d’argent.

L’équipage du navire, — C’est tout filles de quinze ans ; — Les gabiers de la grande hune — N’ont pas plus de dix-huit ans ! etc.

Les richesses poétiques n’ont jamais manqué au marin, ni au soldat français, qui ne rêvent dans leurs chants que filles de roi, sultanes, et même présidentes, comme dans la ballade trop connue :

C’est dans la ville de Bordeaux — Qu’il est arrivé trois vaisseaux, etc.