Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/155

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merons-nous ? devant une espèce d’édifice qui semble dater des guerres des Indiens. Toffel secoua la tête d’un air pensif ; c’est la maison du vieux Davy O’Dougherty, et c’est une maison d’un misérable aspect. Et sa grange ? il n’en a pas ; ses haies ? on a honte de les regarder. Oui, sa ferme offre un triste tableau de l’industrie irlandaise ; point de cheval, point de charrue ; toute la fortune agricole de Davy se réduit à quelques pièces étroites de terre, semées de maïs et de pommes de terre.

Toffel fit une longue pause, indécis, pensif ; mais justement le vieux Davy était assis près de sa porte, avec sa vénérable moitié aux cheveux roux, et une demi-douzaine de petits monstres de la même couleur. Jemmy seule… il serait peu galant de ne pas la dire franchement blonde, était la grâce et l’ornement de la triste cabane. Elle préparait le thé, et mettait sur la table des gâteaux de maïs. Toffel alla s’asseoir devant la cheminée sans avoir à peine desserré les lèvres, et n’eût point bougé de cette place, si en sa qualité d’Allemand, l’odeur de la fumée du charbon de terre ne l’eût désagréablement affecté ; il se leva brusquement pour chercher une atmosphère plus pure, pendant que Jemmy, le voyant à moitié aveuglé, s’enfuyait dans la cuisine avec un rire moqueur. Toffel hésita un instant entre les deux portes, mais involontairement il se trouva transporté devant le feu de la cuisine, qui, étant de bois, lui plut davantage que l’autre, et auquel Jemmy daigna bientôt prendre place à ses côtés.

Un quart d’heure s’était écoulé, et pas une pensée immodeste ou quelconque n’avait traversé le cerveau de notre cavalier. La seule licence qu’il se permit de prendre consistait de transporter son chapeau d’un genou sur l’autre.

Enfin cependant il prit courage, et regardant fixement sa voisine, il lui demanda en anglais si elle ne voulait pas le prendre pour mari.

— Que voulez-vous que je fasse d’un Allemand ?

Telle fut la réponse un peu dure de la malicieuse Irlan-