Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/285

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Les propriétaires et les concierges étaient seuls condamnés à un sommeil troublé — par les accords d’un orchestre de guinguette choisi à dessein, et par les bonds éperdus d’un galop monstre, qui, de la salle aux escaliers et des escaliers à l’impasse, allait aboutir nécessairement à une petite place entourée d’arbres, où un cabaret s’était abrité sous les ruines imposantes de la chapelle du Doyenné. Au clair de lune, on admirait encore les restes de la vaste coupole italienne qui s’était écroulée, au xviie sièclee siècle, sur les onze malheureux chanoines, — accident duquel le cardinal Mazarin fut un instant soupçonné.

Mais vous me demanderez d’expliquer encore, en pâle prose, ces six vers de votre pièce intitulée Vingt ans.


D’où vous vient, ô Gérard ! cet air académique ?
Est-ce que les beaux yeux de l’Opéra-Comique
S’allumeraient ailleurs ? La reine du Sabbat,
Qui, depuis deux hivers, dans vos bras se débat,
Vous échapperait-elle ainsi qu’une chimère ?
Et Gérard répondait : « Que la femme est amère ! »


Pourquoi du Sabbat…, mon cher ami ? et pourquoi jeter maintenant de l’absinthe dans cette coupe d’or, moulée sur un beau sein ?

Ne vous souvenez-vous plus des vers de votre Cantique des cantiques, où l’Ecclésiaste nouveau s’adresse à cette même reine du matin :


La grenade qui s’ouvre au soleil d’Italie
N’est pas si gaie encore, à mes yeux enchantés,
Que ta lèvre entr’ouverte, Ô ma belle folie !
Où je bois à longs flots le vin des voluptés.


Nous reprendrons plus tard ce discours littéraire et philosophique.

La reine de Saba, c’était bien celle, en effet, qui me préoccupait alors, — et doublement. — Le fantôme éclatant de la fille des Hémiarites tourmentait mes nuits sous les hautes co-