Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/288

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La belle désolée faisait une résistance assez faible pour se laisser entraîner à Madrid, et, moi, je faisais mes adieux à Rogier en lui expliquant que je voulais aller travailler à mon scénario.

— Comment ! tu ne nous suis pas ? Cette dame n’a plus d’autre cavalier que toi… et elle t’avait choisi pour la reconduire.

— Mais j’ai rendez-vous à sept heures chez Meyerbeer, entends-tu bien !

Rogier fut pris d’un fou rire. Un de ses bras était occupé par la Cydalise ; il offrit l’autre à la belle dame, qui me salua d’un petit air moqueur. J’avais servi du moins à faire succéder un sourire à ses larmes.

J’avais quitté la proie pour l’ombre… comme toujours !


II

DEUXIÈME CHÂTEAU

Celui-là fut un château d’Espagne, construit avec des châssis, des fermes et des praticables… Vous en dirai-je la radieuse histoire, poétique et lyrique à la fois ? Revenons d’abord au rendez-vous donné par Dumas, et qui m’en avait fait manquer un autre.

J’avais écrit, avec tout le feu de la jeunesse, un scénario fort compliqué, qui parut faire plaisir à Meyerbeer. J’emportai avec effusion l’espérance qu’il me donnait ; seulement, un autre opéra, les Frères corses, lui était déjà destiné par Dumas, et le mien n’avait qu’un avenir assez lointain. J’en avais écrit un acte lorsque j’apprends, tout d’un coup, que le traité fait entre le grand poëte et le grand compositeur se trouve rompu, je ne sais pourquoi. — Dumas partait pour son voyage de la Méditerranée, Meyerbeer avait déjà repris la route de l’Allemagne. La pauvre Reine de Saba, abandonnée de tous, est devenue