Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/301

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pour atteindre à l’excellence des anciens : mettons donc pour le commencement ce que nous avons, ce me semble, assez prouvé au premier livre. C’est que, sans l’imitation des Grecs et Romains, nous ne pouvons donner à notre langue l’excellence et lumière des autres plus fameuses. Je sais que beaucoup me reprendront d’avoir osé, le premier des Français, introduire quasi une nouvelle poésie, ou ne se tiendront pleinement satisfaits, tant pour la brièveté dont j’ai voulu user que pour la diversité des esprits dont les uns trouvent bon ce que les autres trouvent mauvais. Marot me plaît, dit quelqu’un, parce qu’il est facile et ne s’éloigne point de la commune manière de parler ; Héroët, dit quelque autre, parce que tous ses vers sont doctes, graves et élaborés ; les autres d’un autre se délectent. Quant à moi, telle superstition ne m’a point retiré de mon entreprise, parce que j’ai toujours estimé notre poésie française être capable de quelque plus haut et merveilleux style que celui dont nous nous sommes si longuement contentés. Disons donc brièvement ce que nous semble de nos poètes français.

« De tous les anciens poëtes français, quasi un seul, Guillaume de Loris et Jean de Meun[1], sont dignes d’être lus, non tant pour ce qu’il y ait en eux beaucoup de choses qui se doivent imiter des modernes, que pour y voir quasi une première image de la langue française, vénérable pour son antiquité. Je ne doute point que tous les pères crieraient la honte être perdue si j’osais reprendre ou émender quelque chose en ceux que jeunes ils ont appris, ce que je ne veux faire aussi ; mais bien soutiens-je que celui-là est trop grand admirateur de l’ancienneté qui veut défrauder les jeunes de leur gloire méritée : n’estimant rien, sinon ce que la mort a sacré, comme si le temps, ainsi que les vins, rendait les poésies meilleures. Les plus récents, même ceux qui ont été nommés par Clément Marot en une certaine épigramme à Salel, sont

  1. Auteurs du roman de la Rose.