Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec des infinitifs, comme tremblant de mourir pour craignant de mourir, etc. Garde-toi encore de tomber en un vice commun, même aux plus excellents de notre langue : c’est l’omission des articles. »

« Je ne veux oublier l’émendation, partie certes la plus utile de nos études ; son office est d’ajouter, ôter, ou changer à loisir ce que la première impétuosité et ardeur d’écrire n’avait permis de faire ; il est nécessaire de remettre à part nos écrits nouveau-nés, les revoir souvent, et, en la manière des ours, leur donner forme, à force de lécher. Il ne faut pourtant y être trop superstitieux, ou, comme les éléphants leurs petits, être dix ans à enfanter ses vers. Surtout nous convient avoir quelques gens savants et fidèles compagnons qui puissent connaître nos fautes et ne craignent pas de blesser notre papier avec leurs ongles. Encore te veux-je avertir de hanter quelquefois non-seulement les savants, mais aussi toute sorte d’ouvriers et gens mécaniques, savoir leurs inventions, les noms des matières et termes usités en leurs arts et métiers pour tirer de là de belles comparaisons et descriptions de toutes choses.

« Vous semble-t-il pas, messieurs, qui êtes si ennemis de votre langue, que notre poète ainsi armé puisse sortir en campagne, et se montrer sur les rangs avec les braves escadrons grecs et romains. Et vous autres si mal équipés, dont l’ignorance a donné le ridicule nom de rimeur à notre langue, oserez-vous bien endurer le soleil, la poudre et le dangereux labeur de ce combat ? Je suis d’avis que vous vous retiriez au bagage avec les pages et laquais, ou bien (car j’ai pitié de vous) sous les frais ombrages, entre les dames et damoiselles où vos beaux et mignons écrits, non de plus longue durée que votre vie, seront reçus, admirés et adorés. Que plût aux Muses pour le bien que je veux à notre langue que vos ineptes œuvres fussent bannies non-seulement, comme elles le sont des bibliothèques des savants, mais de toute la France. »

On voit que les disputes littéraires de ce temps-là n’étaient