Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/370

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que je n’oserais qualifier de dame sans plus d’informations.

Il y a en face de moi, sur l’autre bord, des sorbiers à grains de corail du plus bel effet : sorbier des oiseaux, — aviaria. — J’ai appris cela quand je me destinais à la position de bachelier dans l’Université de Paris.


XXI

LA FEMME MÉRINOS

… Je m’arrête. Le métier de réaliste est trop dur à faire. La lecture d’un article de Charles Dickens est pourtant la source de ces divagations !… Une voix grave me rappelle à moi-même.

Je viens de tirer de dessous plusieurs journaux parisiens et marnois un certain feuilleton d’où l’anathème s’exhale avec raison sur les imaginations bizarres qui constituent aujourd’hui l’école du vrai.

Le même mouvement a existé après 1830, après 1794, après 1716 et après bien d’autres dates antérieures. Les esprits, fatigués des conventions politiques ou romanesques, voulaient du vrai à tout prix.

Or, le vrai, c’est le faux, — du moins en art et en poésie. Quoi de plus faux que l’Iliade, que l’Énéide, que la Jérusalem délivrée, que la Henriade ? que les tragédies, que les romans ?…

— Eh bien, moi, dit le critique, j’aime ce faux. Est-ce que cela m’amuse, que vous me racontiez votre vie pas à pas, que vous analysiez vos rêves, vos impressions, vos sensations ?… Que m’importe que vous ayez couché à la Sirène, chez le Vallois ? Je présume que cela n’est pas vrai, ou bien que cela est arrangé. Vous me direz d’aller y voir… Je n’ai pas besoin de me rendre à Meaux ! Du reste, les mêmes choses m’arriveraient, que je n’aurais pas l’aplomb d’en entretenir le public.