Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/387

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une cave à louer, me souvenant d’avoir vu à Londres cette même inscription, suivie de ces mots : « Pour un gentleman seul. »

Je me suis dit :

— Pourquoi ne pas aller demeurer à Versailles ou à Saint-Germain ? La banlieue est encore plus chère que Paris ; mais, en prenant un abonnement du chemin de fer, on peut sans doute trouver des logements dans la plus déserte ou dans la plus abandonnée de ces deux villes. En réalité, qu’est-ce qu’une demi-heure de chemin de fer, le matin et le soir ? On a là les ressources d’une cité, et l’on est presque à la campagne. Vous vous trouvez logé par le fait rue Saint-Lazare, n° 130. Le trajet n’offre que de l’agrément, et n’équivaut jamais, comme ennui ou comme fatigue, une course d’omnibus.

Je me suis trouvé très-heureux de cette idée, et j’ai choisi Saint-Germain, qui est pour moi une ville de souvenirs. Quel voyage charmant ! Asnières, Chatou, Nanterre et le Pecq ; la Seine trois fois repliée, des points de vue d’îles vertes, de plaines, de bois, de chalets et de villas ; à droite, les coteaux de Colombes, d’Argenteuil et de Carrières ; à gauche, le mont Valérien, Bougival, Luciennes et Marly ; puis la plus belle perspective du monde : la terrasse et les vieilles galeries du château de Henri IV, couronnées par le profil sévère du château de François Ier. J’ai toujours aimé ce château bizarre, qui, sur le plan, a la forme d’un D gothique, en l’honneur, dit-on, du nom de la belle Diane. — Je regrette seulement de n’y pas voir ces grands toits écaillés d’ardoises, ces clochetons à jour où se déroulaient des escaliers en spirale, ces hautes fenêtres sculptées s’élançant d’un fouillis de toits anguleux qui caractérisent l’architecture valoise. Des maçons ont défiguré, sous Louis XVIII, la face qui regarde le parterre. Depuis, l’on a transformé ce monument en pénitencier, et l’on a déshonoré l’aspect des fossés et des ponts antiques par une enceinte de murailles couvertes d’affiches. Les hautes fenêtres et les balcons dorés, les terrasses où ont paru tour à tour les beautés