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Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/101

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ANGÉLIQUE

Boulogne et sa belle-mère, la mère de La Corbinière, servante de cuisine chez M. Ferrant, estat qu’elle a été contrainte de faire depuis qu’elle a été bannie de Clermont, à cause de son fils.

« La première chose qu’elle fit, elle vint se jeter à mes pieds, les mains jointes, me demandant pardon, ce qui fit pleurer les femmes. Je lui dis que je ne lui pardonnerais pas (ce qui la fit soupirer et respirer, ayant entendu le reste), car elle ne m’avait pas offensée. Et la prenant par la main, lui dis-je : Levez-vous ; et la fis asseoir auprès de moi, où elle me répéta ce qu’elle m’avait souvent écrit : qu’après Dieu et sa mère, elle tenait la vie de moi. »

Quatre ans après, elle était retirée à Nivilliers, et très-malheureuse, n’ayant chemise au dos, comme il paraît par la lettre ci-contre.

LETTRE QU’ELLE ÉCRIT AU CÉLESTIN SON COUSIN,
QUATRE ANS APRÈS SON RETOUR DE NIVILLIERS.
Le 7 janvier 1646.

Monsieur mon bon papa (elle appelait ainsi le célestin),

Je vous supplie, très-humblement, de n’attribuer mon silence à manque du ressentiment que j’aurai toute ma vie de vos bontés, mais bien de honte de n’avoir encore que des paroles pour vous le témoigner. Vous protestant que la mauvaise fortune me persécute au point de n’avoir de chemise au dos. Ces misères m’ont empêchée jusqu’ici de vous écrire et à madame Boulogne, car il me semble que vous deviez recevoir autant de satisfaction de moi comme