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Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/117

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ANGÉLIQUE

d’autre horizon, — pas assez pour qu’en une demi-heure de marche on n’arrive au paysage le plus calme, le plus charmant du monde… Une nature suisse découpée au milieu du bois, par suite de l’idée qu’a eue René de Girardin d’y transplanter l’image du pays dont sa famille était originaire.

Quelques années avant la révolution, le château d’Ermenonville était le rendez-vous des Illuminés qui préparaient silencieusement l’avenir. Dans les soupers célèbres d’Ermenonville, on a vu successivement le comte de Saint-Germain, Mesmer et Cagliostro, développant, dans des causeries inspirées, des idées et des paradoxes dont l’école dite de Genève hérita plus tard. — Je crois bien que M. de Robespierre, le fils du fondateur de la loge écossaise d’Arras, — tout jeune encore, — peut-être encore plus tard Sénancour, Saint-Martin, Dupont de Nemours et Cazotte, vinrent exposer, soit dans ce château, soit dans celui de Le Pelletier de Mortfontaine, les idées bizarres qui se proposaient les réformes d’une société vieillie, laquelle dans ses modes même, avec cette poudre qui donnait aux plus jeunes fronts un faux air de la vieillesse, indiquait la nécessité d’une complète transformation.

Saint-Germain appartient à une époque antérieure, mais il est venu là. C’est lui qui avait fait voir à Louis XV dans un miroir d’acier son petit-fils sans tête, comme Nostradamus avait fait voir à Marie de Médicis les rois de sa race, dont le quatrième était également décapité.

Ceci est de l’enfantillage. Ce qui révèle les mystiques, c’est le détail rapporté par Beaumarchais, que les Prussiens, — arrivés jusqu’à Verdun, — se replièrent tout à coup d’une manière inattendue d’après l’effet d’une appa-