Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/158

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« Ô bonne tante, m’écriai-je, que vous étiez jolie ! — Et moi donc ? » dit Sylvie, qui était parvenue à ouvrir le fameux tiroir. Elle y avait trouvé une grande robe en taffetas flambé, qui criait du froissement de ses plis. « Je veux essayer si cela m’ira, dit-elle. Ah ! je vais avoir l’air d’une vieille fée ! »

« La fée des légendes éternellement jeune !… » dis-je en moi-même. — Et déjà Sylvie avait dégrafé sa robe d’indienne et la laissait tomber à ses pieds. La robe étoffée de la vieille tante s’ajusta parfaitement sur la taille mince de Sylvie, qui me dit de l’agrafer. « Oh ! les manches plates, que c’est ridicule ! » dit-elle. Et cependant les sabots garnis de dentelles découvraient admirablement ses bras nus, la gorge s’encadrait dans le pur corsage aux tulles jaunis, aux rubans passés, qui n’avait serré que bien peu les charmes évanouis de la tante. « Mais finissez-en ! Vous ne savez donc pas agrafer une robe ? » me disait Sylvie. Elle avait l’air de l’accordée de village de Greuze. « Il faudrait de la poudre, dis-je. — Nous allons en trouver. » Elle fureta de nouveau dans les tiroirs. Oh ! que de richesses ! que cela sentait bon, comme cela brillait, comme cela chatoyait de vives couleurs et de modeste clinquant ! deux éventails de nacre un peu cassés, des boîtes de pâte à sujets chinois, un collier d’ambre et mille fanfreluches, parmi lesquelles éclataient deux petits souliers de droguet blanc avec des boucles incrustées de diamants d’Irlande ! « Oh ! je veux les mettre, dit Sylvie, si je trouve les bas brodés ! »

Un instant après, nous déroulions des bas de soie rose tendre à coins verts ; mais la voix de la tante, accompagnée du frémissement de la poêle, nous rappela soudain à