Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/200

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surgir des bandes effarouchées de canards et d’oies sauvages établis sous l’ombre des sycomores et des saules pleureurs. Un seul sentier conduit à la partie supérieure du canton, à ce qu’on appelle le haut pays, où, depuis soixante ans, des Anglais, des Irlandais, des Allemands, et autres races européennes, se sont établis, alliés et fondus ensemble complètement. Ce n’est pas à dire pourtant que cette grande famille républicaine ne manifeste plus par aucun signe sa diversité d’origine. Le descendant allemand, par exemple, tient encore fortement à sa sauerkraüt, il préfère encore son blockhaus, simple et rustique comme lui, à l’élégante franchouse de ses voisins ; la couleur favorite de son habit à larges pans est toujours bleue ; ses bas sont de cette couleur ; ses gros souliers ronds portent le dimanche d’épaisses boucles d’argent, et comme ses aïeux encore, il affectionne les inexpressibles en peau nouées au-dessous du genou avec des courroies.

La mode tyrannique, ou, comme on l’appelle là-bas, la fashion, n’a encore trouvé que peu d’occasion d’étendre son empire, et un chapeau très-simple en paille et en soie, une robe encore plus simple d’une étoffe fabriquée dans le pays, forment toute la parure dont les familles permettent aux jeunes demoiselles d’augmenter le pouvoir de leurs charmes.

Malgré cette résistance obstinée des têtes allemandes, les différents partis vivent dans la plus parfaite union ; peut-être même ces nuances contribuent-elles à l’agré