Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/222

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elle étonnée d’une conduite si singulière, je serais tentée de croire que tout n’est point ici en règle et que tu n’es pas bien aise de me voir !

— Moi, ne pas être bien aise de te voir ! mon cœur, ma bien-aimée ! Oui, oui, tu seras de nouveau ma femme ! répondit le brave garçon.

— Je serai de nouveau, de nouveau ta femme ! répéta-t-elle ; et ses yeux étaient étincelants, et son petit nez se tordait. Etre de nouveau sa femme, se dit-elle encore à voix basse, en s’arrachant avec force de ses mains ; puis, montant l’escalier avec la rapidité de l’éclair, elle se précipita sur la porte, pressa le loquet, ouvrit et vit, se berçant doucement dans un fauteuil, Marie Lindthal, la plus jolie blondine de toute la colonie, jadis sa rivale, et maintenant l’heureuse usurpatrice de ses droits matrimoniaux.


IV. — CE QU’IL ARRIVA DE JACQUES TOFFEL ET DE SES DEUX FEMMES

Il faudrait une plume très-familiarisée avec les peintures psychologiques pour décrire les symptômes des diverses passions qui se dessinaient d’une manière énergique sur le visage de notre héroïne. Le mépris, la fureur, la vengeance en étaient encore les plus faibles ; il sortait de ses yeux des étincelles si vives, que, pour servir d’une phrase à l’usage des Yankees, la chambre commençait à en être embrasée ; ses poings y fermèrent convulsivement, ses dents grincèrent, et, semblable au chat qui voit son territoire l’ennemi mortel de sa race, elle s’apprê