Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/24

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me rassure pleinement sur ce point. Elle me conseille de renoncer à « un art qui n’est pas fait pour moi et dont je n’ai nul besoin… » Hélas ! cette plaisanterie est amère, car jamais je n’eus davantage besoin, sinon de l’art, du moins de ses produits brillants. Voilà ce que vous n’avez pas compris. Vous croyez avoir assez fait en me recommandant aux autorités de Soissons comme un personnage illustre que sa famille ne pouvait abandonner, mais que la violence de son mal vous obligeait à laisser en route. Votre La Rancune s’est présenté à la maison de ville et chez mon hôte, avec des airs de grand d’Espagne de première classe forcé par un contre-temps de s’arrêter deux nuits dans un si triste endroit ; vous autres, forcés de partir précipitamment de P*** le lendemain de ma déconvenue, vous n’aviez, je le conçois, nulle raison de vous faire passer ici pour d’infâmes histrions : c’est bien assez de se laisser clouer ce masque au visage dans les endroits où l’on ne peut faire autrement. Mais, moi, que vais-je dire, et comment me dépêtrer de l’infernal réseau d’intrigues où les récits de La Rancune viennent de m’engager ? Le grand couplet du Menteur de Corneille lui a servi assurément à composer son histoire, car la conception d’un faquin tel que lui ne pouvait s’élever si haut. Imaginez… Mais que vais-