Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/324

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Partout le sol désert côtoyé par des ondes,
Des tourbillons confus d’océans agités…
Un souffle vague émeut les sphères vagabondes,
Mais nul esprit n’existe en ces immensités.

En cherchant l’œil de Dieu, je n’ai vu qu’un orbite
Vaste, noir et sans fond ; d’où la nuit qui l’habite
Rayonne sur le monde et s’épaissit toujours ;

Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre,
Seuil de l’ancien chaos dont le néant est l’ombre,
Spirale, engloutissant les Mondes et les Jours ! »


III


« Immobile Destin, muette sentinelle,
Froide Nécessité !… Hasard qui t’avançant,
Parmi les mondes morts sous la neige éternelle,
Refroidis, par degrés, l’univers pâlissant,

Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle,
De tes soleils éteints, l’un l’autre se froissant…
Es-tu sûr de transmettre une haleine immortelle,
Entre un monde qui meurt et l’autre renaissant ?…

Ô mon père ! est-ce toi que je sens en moi-même ?
As-tu pouvoir de vivre et de vaincre la mort ?
Aurais-tu succombé sous un dernier effort

De cet ange des nuits que frappa l’anathème…
Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir,
Hélas ! et, si je meurs, c’est que tout va mourir ! »


IV


Nul n’entendait gémir l’éternelle victime,
Livrant au monde en vain tout son cœur épanché ;