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LES FILLES DU FEU

M. France me dit : « Je connais bien le livre ; je l’ai eu dans les mains dix fois… Vous pouvez le trouver par hasard sur les quais : je l’y ai trouvé pour dix sous. »

Courir les quais plusieurs jours pour chercher un livre noté comme rare… J’ai mieux aimé aller chez Merlin. « Le Bucquoy ? me dit son successeur ; nous ne connaissons que cela ; j’en ai même un sur ce rayon… »

Il est inutile d’exprimer ma joie. Le libraire m’apporta un livre in-douze, du format indiqué ; seulement, il était un peu gros (649 pages). Je trouvai, en l’ouvrant, ce titre en regard d’un portrait : « Éloge du comte de Bucquoy. » Autour du portrait, on retrouvait en latin : COMES. A. BVCQVOY.

Mon illusion ne dura pas longtemps ; c’était une histoire de la rébellion de Bohême, avec le portrait d’un Bucquoy en cuirasse, ayant barbe coupée à la mode de Louis XIII. C’est probablement l’aïeul du pauvre abbé. — Mais il n’était pas sans intérêt de posséder ce livre ; car souvent les goûts et les traits de famille se reproduisent. Voilà un Bucquoy né dans l’Artois qui fait la guerre de Bohême ; — sa figure révèle l’imagination et l’énergie, avec un grain de tendance au fantasque. L’abbé de Bucquoy a dû lui succéder comme les rêveurs succèdent aux hommes d’action.

LE CANARI.

En me rendant chez Techener pour tenter une dernière chance, je m’arrêtai à la porte d’un oiselier. Une femme d’un certain âge, en chapeau, vêtue avec ce soin à demi luxueux qui révèle qu’on a vu de meilleurs jours, offrait au marchand de lui vendre un canari avec sa cage.