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LES FILLES DU FEU

sur de nouveaux airs. Voici la première dans le style marotique :

Celui plus je ne suis que j’ai jadis été,
Et plus ne saurais jamais l’être :
Mon doux printemps et mon été
On fait le saut par la fenêtre, etc.

Cela m’a donné l’idée de revenir à Paris par Ermenonville, — ce qui est la route la plus courte comme distance, et la plus longue comme temps, bien que le chemin de fer fasse un coude énorme pour atteindre Compiègne.

On ne peut parvenir à Ermenonville, ni s’en éloigner, sans faire au moins trois lieues à pied. — Pas une voiture directe. Mais demain, jour des Morts, c’est un pèlerinage que j’accomplirai respectueusement, — tout en pensant à la belle Angélique de Longueval.

Je vous adresse tout ce que j’ai recueilli sur elle aux archives et à Compiègne, rédigé sans trop de préparation d’après les documents manuscrits et surtout d’après ce cahier jauni, entièrement écrit de sa main, qui est peut-être plus hardi étant d’une fille de grande maison, — que les Confessions mêmes de Rousseau.

Angélique de Longueval était fille d’un des plus grands seigneurs de Picardie. Jacques de Longueval, comte de Haraucourt, son père, conseiller du roi en ses conseils, maréchal de ses camps et armées, avait le gouvernement du Châtelet et de Clermont-en-Beauvoisis. C’était dans le voisinage de cette dernière ville, au château de Saint-Rimbaut, qu’il laissait sa femme et sa fille, lorsque le devoir de ses charges l’appelait à la cour ou à l’armée.

Dès l’âge de treize ans, Angélique de Longueval, d’un caractère triste et rêveur, — n’ayant goût, comme elle le