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ANGÉLIQUE

Et la petite se met à chanter avec une voix faible, mais bien timbrée :

Les canards dans la rivière… etc.

Encore un air avec lequel j’ai été bercé. Les souvenirs d’enfance se ravivent quand on a atteint la moitié de la vie. C’est comme un manuscrit palympseste dont on fait reparaître les lignes par des procédés chimiques.

Les petites filles reprirent ensemble une autre chanson, — encore un souvenir :

 Trois filles dedans un pré…
Mon cœur vole (bis) !
Mon cœur vole à votre gré !

« Scélérats d’enfants ! dit un brave paysan qui s’était arrêté près de moi à les écouter… Mais vous êtes trop gentilles !… Il faut danser à présent. »

Les petites filles se levèrent de l’escalier et dansèrent une danse singulière qui m’a rappelé celle des filles grecques dans les îles.

Elles se mettent toutes, — comme on dit chez nous, — à la queue leleu ; puis un jeune garçon prend les mains de la première et la conduit en reculant, pendant que les autres se tiennent les bras, que chacune saisit derrière sa compagne. Cela forme un serpent qui se meut d’abord en spirale et ensuite en cercle, et qui se resserre de plus en plus autour de l’auditeur, obligé d’écouter le chant, et quand la ronde se resserre, d’embrasser les pauvres enfants, qui font cette gracieuseté à l’étranger qui passe.