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LES FILLES DU FEU

moi, mon affection redoubla de telle sorte que j’avais juré, si mon père le traitait plus mal, de me tuer devant lui ; — lequel usa de prudence, comme homme d’esprit qu’il était, car, sans éclater davantage, il l’envoya avec un bon cheval en Beauvoisis, avertir ces Messieurs les gendarmes de se tenir prêts à venir en garnison à Orbaix. »

La demoiselle ajoute :

« Le mauvais traitement que lui avait fait mon père, et le commandement qu’il lui avait enjoint de se tenir dans les bornes de son devoir, ne purent empêcher qu’il ne passât toute cette nuit-là avec moi par cette invention : mon père lui ayant commandé de s’en aller en Beauvoisis, il monta à cheval, et au lieu de s’en aller vivement, il s’arrêta dans le bois de Guny jusqu’à ce qu’il fût nuit, et alors il s’en vint chez Tancar, à Coucy-la-Ville, et lorsqu’il eut soupé, il prit ses deux pistolets et s’en vint à Verneuil, grimper par le petit jardin, où je l’attendais avec assurance et sans peur, sachant qu’on croyait qu’il fût bien loin. Je le menai dans ma chambre ; alors il me dit : « Il ne faut pas perdre cette bonne occasion sans nous embrasser : c’est pourquoi il faut nous déshabiller… Il n’y a nul danger. »

La Corbinière fit une maladie, ce qui rendit le comte moins sévère envers lui, — mais pour l’éloigner de sa fille, il lui dit : « Il vous en faut aller à la garnison à Orbaix, car déjà les autres gendarmes y sont. »

Ce qu’il fit avec grand déplaisir.

À Orbaix, le fauconnier du comte ayant envoyé à Verneuil son valet, nommé Toquette, La Corbinière lui donna une lettre pour Angélique de Longueval. Mais, craignant qu’elle ne fût vue, il lui recommanda de la mettre sous