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ANGÉLIQUE

l’argent et un cheval », qu’elle ferait ce qui elle pourrait.

Angélique chercha dans son esprit le moyen d’avoir de la vaisselle d’argent, car pour de la monnaie il n’y fallait pas songer, le père ayant tout son argent avec lui à Paris.

Le jour venu elle dit à un palefrenier nommé Breteau :

« Je voudrais bien que tu me prêtasses un cheval pour envoyer à Soissons, cette nuit, quérir du taffetas pour me faire un corps de cotte, te promettant que le cheval sera ici avant que maman se lève ; et ne t’étonne pas si je te le demande pour la nuit, car c’est afin qu’elle ne te crie. »

Le palefrenier consentit à la volonté de sa demoiselle. Il s’agissait encore d’avoir la clef de la première porte du château. Elle dit au portier qu’elle voulait faire sortir quelqu’un de nuit pour aller chercher quelque chose à la ville et qu’il ne fallait pas que madame le sût… qu’ainsi il ôtât du trousseau de clefs celle de la première porte, et qu’elle ne s’en apercevrait pas.

Le principal était d’avoir l’argenterie. La comtesse qui, ainsi que le dit sa fille, semblait en ce moment « inspirée de Dieu », dit au souper à celle qui l’avait en garde : « Huberde, à cette heure que M. d’Haraucourt n’est point ici, serrez presque toute la vaisselle d’argent dans ce coffre et m’apportez la clef. »

La demoiselle changea de couleur, — et il fallut remettre le jour du départ. Cependant, sa mère étant allée se promener dans la campagne le dimanche suivant, elle eut l’idée de faire venir un maréchal du village pour lever la serrure du coffre, — sous prétexte que la clef était perdue.

« Mais, dit-elle, ce ne fut pas tout, car mon frère le chevalier, qui était seul resté avec moi, et qui était petit, me dit, lorsqu’il vit que j’avais donné des commissions à tous,