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Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/139

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sait même pas lever les yeux sur sa maîtresse. Celle-ci rompit le silence.

— Qui l’aurait pensé ? dit-elle, que le fils de tant d’honnêtes gens commettrait une action… ou du moins la voudrait commettre…

— Madame ! écoutez-moi !

— Ah ! vous pouvez parler… Je n’aurai pas la force de vous interrompre.

Nicolas se précipita sur une main que Mme Parangon retira aussitôt ; sa figure enflammée s’imprimait sur la fraîche toile des draps, sans qu’il pût retrouver un mot, rendre le calme à son esprit. Son désordre effraya même la femme qu’il avait si gravement offensée.

— Le ciel me punit, dit-elle… C’est une leçon terrible ! Je m’étais fait un rêve avec cette union de famille qui nous aurait rapprochés et rendus tous heureux, sans crime ! Il n’y faut plus penser…

— Ah ! madame, que dites-vous ?

— Tu n’as pas voulu être mon frère ! s’écria Mme Parangon, hélas ! tu auras été l’amant d’une morte ; je ne survivrai pas à cette honte !

— Ah ! ce mot-là est trop dur, madame ! — Et Nicolas se leva pour sortir avec une résolution sinistre.

— Il a donc encore une âme ! dit la malade… Où allez-vous ?

— Où je mérite d’être !… J’ai outragé la divinité dans sa plus parfaite image… je n’ai plus le droit de vivre…

— Restez ! dit-elle ; votre présence m’est devenue nécessaire… Notre vue mutuelle entretiendra nos remords… Mon existence, cruel jeune homme, dépend de la tienne : ose à présent en disposer !…

— Je suis indigne de votre sœur, dit Nicolas fondant en larmes ; aussi bien, eussé-je été son mari, c’est vous