Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/182

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à frais communs. Vous serez son père, et nous ne ferons qu’une seule famille.

A la fin de cette semaine, Sara cessa donc d’aller travailler chez les demoiselles Amei. Bientôt la liaison devint complète, indissoluble. C’étaient des causeries sans fin, des dîners délicieux, souvent à la campagne ou aux barrières, en compagnie de la mère et de Florimond… Toujours pendant ces repas le petit pied de Sara restait posé sur celui de Nicolas ; on allait aussi au spectacle avec les billets qu’obtenait l’écrivain par ses relations littéraires, et là toujours la jeune fille, indifférente à l’admiration qu’excitait sa ravissante beauté, laissait l’une de ses mains dans celle de son ami.

Cependant Mme  Léeman n’admettait pas qu’on se divertît sans elle, et, lorsque dans la journée il se présentait quelque occasion de sortir pour la jeune fille et pour Nicolas, elle les faisait toujours accompagner par Florimond. Ce dernier, usé par les excès de toutes sortes, était d’une compagnie assez morne, mais n’avait rien d’hostile à l’attachement des deux amants. Il les suivait comme un chien de berger, sans interrompre leurs tendres entretiens. Un jour, Nicolas s’était chargé d’acheter pour la mère des graines et des oignons de fleurs. Elle était, nous l’avons dit, du Brabant et curieuse de tulipes. Sara et lui partirent pour le quai aux Fleurs et furent si longtemps à fixer leur choix, que Florimond, fort ennuyé, se décida à entrer dans un cabaret d’où il les suivait des yeux. Quand il revint, il se tenait à peine sur ses jambes. Sara lui dit de se charger du sac de graines, et, pendant qu’il cherchait à l’affermir sur ses épaules, elle écrivit au crayon un billet pour sa mère, dans lequel elle lui disait que Florimond était tellement gris, que, voulant aller à la promenade, Nicolas et elle s’étaient fait conscience de l’y