Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/199

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trine fatale sortie du cerveau du sophiste, lui avait été appliquée bien durement, et cet homme, qui n’avait cru qu’au vieux destin des Grecs, se voyait obligé de confesser la Providence !

« — Oh ! n’importe ! il est temps encore, reprit-il ; je suis libre aujourd’hui, je sais que vous l’êtes restée ;… vous étiez l’épouse que la nature me destinait : quoique tard, voulez-vous la devenir ? »

Jeannette avait lu, dans un château où elle était gouvernante, plusieurs des écrits de Restif ; elle savait qu’il avait toujours pensé à elle. Ces pages éperdues d’admiration et de regret, qui se retrouvent en effet dans tous les livres de l’écrivain, — elle les avait amèrement méditées : « Je crois, dit-elle enfin, que vous étiez en effet le seul époux que le ciel m’eût destiné ; aussi je n’en ai pas voulu d’autre. Puisque nous ne pouvons plus nous marier pour être heureux, épousons-nous pour mourir ensemble[1]. »

Si l’on en croit l’auteur lui-même, qui a répété dans trois ouvrages différents la scène que nous venons de décrire, le mariage se serait accompli devant un curé, et en secret, à cause de l’époque, — ce qui indiquerait, ou une exigence de sa dernière épouse, ou un retour tardif aux idées chrétiennes.

  1. Le Drame de la Vie, 5e volume, page 1251. (L’auteur suivait la pagination dans tous les volumes du même ouvrage.)