Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/208

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Il signa ce livre un mousquetaire, et voulut le dédier à Mlle  Hus de la Comédie-Française, qui refusa cet honneur par une lettre fort polie, où elle marquait la crainte que la légèreté du livre ne nuisît à sa réputation. Peut-être Restif espéra-t-il alors, mais en vain, d’être admis à cette fameuse table du financier Bouret, ouverte à la littérature par le goût et la bonne grâce de Mlle  Hus, et dont Diderot a donné une si piquante description dans le Neveu de Rameau.

Le Pied de Fanchette contient cette préface curieuse : « Si je n’avais eu pour but que de plaire, le tissu de cet ouvrage aurait été différent. Fanchette, sa bonne, un oncle et son fils, avec un hypocrite, suffisaient pour l’intrigue ; le premier amant de Fanchette se fût trouvé fils de cet oncle, la marche aurait été plus naturelle et le dénouement plus vif ; mais il fallait dire la vérité. » Ce roman n’est autre chose que l’histoire d’une jolie femme aimée par un vieillard que la séduction d’un pied, le plus charmant du monde, entraîne aux plus vertes folies. On retrouve dans l’ouvrage et dans les notes qui l’accompagnent cette préoccupation constante du pied et de la chaussure des femmes qu’on remarque dans tous les écrits de l’auteur. Cette monomanie ne l’a pas abandonné un seul jour. Dès qu’il avait trouvé un joli pied dans ses promenades, il s’empressait d’aller chercher Binet, son dessinateur, afin qu’il en vînt prendre le croquis. Selon lui, « les femmes qui se chaussent à plat, comme les infâmes petits maîtres pointus, se pataudent et s’hommassent d’une manière horripilante, tandis qu’au contraire les souliers à talons hauts affinent la jambe et sylphisent tout le corps. » Les mots bizarres, quoique expressifs, qui émaillent cette phrase, donnent une idée de la singulière phraséologie qui se joint aux hardiesses de l’orthographe