Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/210

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quences d’une seule faute, ou d’une complication de misères qu’il est difficile d’apprécier. Le plus grand mérite des règlements qu’il avait conçus était de soustraire, disait-il, les jeunes gens aux tentations extérieures, d’éloigner des familles le spectacle du vice promenant insolemment son luxe d’un jour, de neutraliser enfin pour l’homme un instant égaré la possibilité de maux dont les races sont solidaires.

Cet ouvrage eut un succès européen, et les idées qu’il renferme frappèrent vivement l’esprit philosophique de Joseph II[1], qui appliqua dans ses états les projets de règlements contenus dans la seconde partie du livre. Le Pornographe fut suivi de plusieurs ouvrages du même genre, que l’auteur range sous le titre d’Idées singulières. Le second volume s’intitule le Mimographe ou le Théâtre réformé. Restif insiste dans ce livre sur la nécessité d’admettre la vérité absolue au théâtre, et de renoncer au système conventionnel de la tragédie et de la comédie, dont les règles académiques ont opprimé même des génies tels que Corneille et Molière. On croirait lire les préfaces de Diderot et de Beaumarchais, — qui, plus heureux ou plus habiles, parvinrent à réaliser leurs théories, — tandis que le théâtre de Restif fut toujours repoussé de la scène. On se convaincra de l’excès de réalité qu’il voulait introduire en sachant qu’il proposait, pour augmenter l’utilité, la moralité et la volupté du théâtre, de faire jouer les scènes d’amour par de véritables amants la veille de leur mariage.

  1. Quelques années plus tard, Restif, arrivé à une plus grande réputation, reçut de la part de Joseph II un brevet de baron enfermé dans une tabatière ornée d’un portrait de l’empereur. Il renvoya le brevet, et garda l’image du souverain philosophe.