Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/235

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longues tirades, qu’il interrompt de temps en temps pour reprendre haleine, en disant à son interlocuteur : « Allons, parle, continue… ; car, je le sais, tu aimes à pérorer… » Puis, à la première objection, il lui crie : « O buse !… pauvre homme ! je t’ai vu plus de verve autrefois. » Puis il entame une dissertation sur les biens du clergé, et se plaint du peu de talent que Maury a déployé à la tribune dans cette question. « Voilà ce que j’aurais dit à sa place, » s’écrie-t-il, et, se promenant dans sa chambre comme un lion dans une cage, il prononce tout le discours qu’aurait dû tenir l’abbé Maury. De temps en temps il s’interrompt, s’étonnant de ne pas entendre les applaudissements de l’Assemblée, tant il est à son rôle. Il s’applaudit des mains, il pleure aux arguments qu’il arrache à l’éloquence supposée de son adversaire ; puis, quand l’émotion qu’il s’est produite à lui-même s’est dissipée, il essuie la sueur de son front, relève sa noire chevelure, et dit : « Et, si Maury avait eu le nerf de parler ainsi, voilà ce que j’aurais répondu… » Nouveau discours qui dure une heure et amène une péroraison qu’il commence par « Je me résume, messieurs… » Enfin il éclate de rire en s’apercevant qu’il vient d’épuiser ses poumons pour un seul auditeur.

Il revient à la discussion simple, et fait le portrait de Necker :

« … Un grand homme, parce qu’il a eu par hasard une grande place… Du reste, plus petit en place que dehors, comme tous les hommes médiocres… Il était calqué pour être premier commis ; il aurait pu ne pas se déshonorer dans cette position, où l’on n’est jamais vu qu’à demi-jour. C’est aujourd’hui un piètre sire, incapable d’une résolution solide, et qui revient par pusillanimité à la noblesse, qui le hait et le méprise. Il est étonné de ce