Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/260

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de migration des âmes, d’alchimie et de magnétisme surtout. L’héroïne du Diable amoureux n’est autre qu’un de ces lutins bizarres que l’on peut voir décrits à l’article Incube ou Succube, dans le Monde Enchanté de Bekker.

Le rôle un peu noir que l’auteur fait jouer en définitive à la charmante Biondetta, suffirait à indiquer qu’il n’était pas encore initié, à cette époque, aux mystères des cabalistes ou des illuminés, lesquels ont toujours soigneusement distingué les esprits élémentaires, sylphes, gnomes, ondins ou salamandres, des noirs suppôts de Belzébuth. Pourtant l’on raconte que peu de temps après la publication du Diable amoureux, Cazotte reçut la visite d’un mystérieux personnage au maintien grave, aux traits amaigris par l’étude, et dont un manteau brun drapait la stature imposante.

Il demanda à lui parler en particulier, et quand on les eut laissés seuls, l’étranger aborda Cazotte avec quelques signes bizarres, tels que les initiés en emploient pour se reconnaître entr’eux.

Cazotte, étonné, lui demanda s’il était muet, et le pria d’expliquer mieux ce qu’il avait à dire. Mais l’autre changea seulement la direction de ses signes et se livra à des démonstrations plus énigmatiques encore.

Cazotte ne put cacher son impatience. « Pardon, monsieur, lui dit l’étranger, mais je vous croyais des nôtres et dans les plus hauts grades.

— Je ne sais ce que vous voulez dire, répondit Cazotte.

— Et sans cela, où donc auriez-vous puisé les pensées qui dominent dans votre Diable amoureux ?

— Dans mon esprit, s’il vous plaît.

— Quoi ! ces évocations dans les ruines, ces mystères de la cabale, ce pouvoir occulte d’un homme sur les esprits de l’air, ces théories si frappantes sur le pouvoir des