Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/269

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dans une maison religieuse, où sa famille l’avait placé, après quatre ans de retraite qu’il avait prise en gré, et ayant gagné le cœur de tous ceux qui d’abord n’avaient été que ses geôliers. »

Les lettres de Cazotte sur la musique, dont plusieurs sont des réponses à la lettre de J.-J. Rousseau sur l’Opéra, se rapportent à cette légère incursion dans le domaine lyrique. La plupart de ses écrits sont anonymes, et ont été recueillis depuis comme pièces diplomatiques de la guerre de l’Opéra. Quelques-unes sont certaines, d’autres douteuses. Nous serions bien étonné s’il fallait ranger parmi ces dernières le « Petit Prophète de Bœhmischbroda, » fantaisie attribuée à Grimm, qui compléterait au besoin l’analogie marquée de Cazotte et d’Hoffmann.

C’était encore la belle époque de la vie de Cazotte ; voici le portrait qu’a donné Charles Nodier de cet homme célèbre, qu’il avait vu dans sa jeunesse :

« A une extrême bienveillance, qui se peignait dans sa belle et heureuse physionomie, à une douceur tendre que ses yeux bleus encore fort animés exprimaient de la manière la plus séduisante, M. Cazotte joignait le précieux talent de raconter mieux qu’homme du monde des histoires, tout à la fois étranges et naïves, qui tenaient de la réalité la plus commune par l’exactitude des circonstances et de la féerie par le merveilleux. Il avait reçu de la nature un don particulier pour voir les choses sous leur aspect fantastique, et l’on sait si j’étais organisé de manière à jouir avec délices de ce genre d’illusion. Aussi, quand un pas grave se faisait entendre à intervalles égaux sur les dalles de l’autre chambre ; quand sa porte s’ouvrait avec une lenteur méthodique, et laissait percer la lumière d’un falot porté par un vieux domestique moins ingambe que le maître, et que M. Cazotte appelait gaie-