Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/298

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wick et d’en attendre leur délivrance. On se plaignait des lenteurs du tribunal extraordinaire, créé à regret par l’Assemblée législative sur les menaces de la commune ; on croyait à un complot formé dans les prisons pour en enfoncer les portes à l’approche des étrangers, se répandre dans la ville et faire une Saint-Barthélemi des républicains.

La nouvelle de la prise de Longwy et le bruit prématuré de celle de Verdun, achevèrent d’exaspérer les masses. Le danger de la patrie fut proclamé, et les sections se réunirent au Champ-de-Mars. Cependant, des bandes furieuses se portaient aux prisons et établissaient aux guichets extérieurs une sorte de tribunal de sang destiné à suppléer à l’autre.

A l’Abbaye, les prisonniers étaient réunis dans la chapelle, livrés à leurs conversations ordinaires, quand le cri des guichetiers : « Faites remonter les femmes ! » retentit inopinément. Trois coups de canon et un roulement de tambour ajoutèrent à l’épouvante, et les hommes étant restés seuls, deux prêtres, d’entre les prisonniers, parurent dans un tribune de la chapelle et annoncèrent à tous le sort qui leur était réservé.

Un silence funèbre régna dans cette triste assemblée ; dix hommes du peuple, précédés par les guichetiers, entrèrent dans la chapelle, firent ranger les prisonniers le long du mur, et en comptèrent cinquante-trois.

De ce moment, on fit l’appel des noms de quart d’heure en quart d’heure : ce temps suffisant à peu près aux jugements du tribunal improvisé à l’entrée de la prison.

Quelques-uns furent épargnés, parmi eux le vénérable abbé Sicard ; la plupart était frappés au sortir du guichet par les meurtriers fanatiques qui avaient accepté cette triste tâche. Vers minuit, on cria le nom de Jacques Cazotte.

Le vieillard se présenta avec fermeté devant le sanglant