Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/315

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aussi nos projets, bientôt vous verriez ce sexe orgueilleux ramper et mendier vos faveurs. Laissons-les faire leurs guerres meurtrières ou débrouiller le chaos de leurs lois, mais chargeons-nous de gouverner l’opinion, d’épurer les mœurs, de cultiver l’esprit, d’entretenir la délicatesse, de diminuer le nombre des infortunes. Ces soins valent bien ceux de dresser des automates, ou de prononcer sur de ridicules querelles. Si l’une d’entre vous a quelque chose à opposer, qu’elle s’explique librement. »

Une acclamation générale suivit ce discours. Alors la Grande Maîtresse fit détacher les liens et continua en ces termes :

« Sans doute, votre âme pleine de feu saisit avec ardeur le projet de recouvrer une liberté, le premier bien de toute créature ; mais plus d’une épreuve doit vous apprendre à quel point vous pouvez compter sur vous-mêmes, et ce sont ces épreuves qui m’enhardiront à vous confier des secrets dont dépend à jamais le bonheur de votre vie.

« Vous allez vous diviser en six groupes ; chaque couleur doit se mettre ensemble et se rendre à l’un des six appartements qui correspondent à ce temple. Celles qui auront succombé ne doivent y entrer jamais, la palme de la victoire attend celles qui triompheront. »

Chaque groupe passa dans une salle proprement meublée où bientôt arriva une foule de cavaliers. Les uns commencèrent par des persiflages et demandèrent comment des femmes raisonnables pouvaient prendre confiance aux propos d’une aventurière, et ils appuyaient fortement sur le danger d’un ridicule public… Les autres se plaignaient de voir qu’on sacrifiât l’amour et l’amitié à d’antiques extravagances, sans utilité comme sans agrément.