Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/341

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maintenant soupçonner, viennent du grand abîme de la nuit se corporifier. Si vous savez interpréter l’hymne à la Nuit d’Orphée, vous aurez un des premiers points de la doctrine, vous saurez comment tout se forme, vous pourrez voir vos yeux sans miroir, et ébranler les cornes du taureau. Ce ferment n’agit pas sur les corps vivants, parce que l’animus qui les informe, les maintient, est plus fort que le ferment qui tend à les dissoudre, étant d’une nature supérieure. Si le ferment pouvait quelque chose sur les êtres, il les disposerait à recevoir de nouveaux animus, qui, de l’abîme de la nuit, viendraient s’y corporifier ; ainsi il les dissoudrait. Il faut donc qu’ils aient quelque chose en eux qui repousse les atteintes du ferment, et qui soit supérieur à cet esprit ; il faut donc qu’ils aient en eux chacun un animus qui les informe, qui maintient leur forme et qui repousse l’action du ferment ; ainsi ils vivent donc. Si la terre n’était pas animée le ferment aussi la dissoudrait, et la disposerait à recevoir de nouveaux êtres qui rongeraient les récoltes, tourmenteraient les espèces primitives, leur nuiraient, les détruiraient, et elles ne seraient plus alors une simple altération ; mais ne ressembleraient plus aux idées archétypes.

» Le propre du cadavre est de tomber : c’est là l’étymologie primitive de ce mot ; le propre de l’être vivant est de se dresser et de se soutenir parce qu’il a le principe de son mouvement et sa vie en lui. C’est ainsi que je soutiens mon bras, que je dresse ma tête : si les astres n’étaient que des cadavres, ils tomberaient, c’est-à-dire qu’ils se rassembleraient dans un même lieu selon les lois de la pesanteur.

» Voyons maintenant s’ils sont intelligents. Il n’y a dans l’univers que deux sortes d’êtres ; ceux qui sont abandonnés à eux-mêmes, et ceux qui sont inhérents à un autre