Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/50

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— C’est plus grave.

En ce moment-là, Corbé passa d’un air souriant, en disant : « Ah ! vous parlez encore de votre madrigal, M. de Renneville… Mais ce n’est rien : il est charmant.

— Il est cause qu’on me retient ici, dit Renneville.

— Et vous plaignez-vous du traitement ?

— Le moyen ? quand on a affaire à d’honnêtes gens !

Corbé satisfait, alla vers une autre table avec son implacable sourire… on lui offrait des rafraîchissements qu’il ne voulait jamais accepter. De temps en temps il lançait des regards aux fenêtres de la prison, où l’on pouvait entrevoir les formes vagues des prisonnières, et il paraissait trouver que rien n’était plus charmant que l’intérieur de cette prison d’État.

— Et comment, dit l’abbé de Bucquoy à Renneville, en faisant les cartes, était construit ce madrigal ?

— Dans les règles du genre. Je l’avais adressé à M. le marquis de Torcy afin qu’il le fît voir au roi. Il faisait allusion à la puissance réunie de l’Espagne et de la France combattant les alliés… et se rapportait en même temps aux principes du jeu de piquet.

Ici Renneville récita son madrigal, qui se terminait par ces mots, adressés aux alliés du Nord :

« Combattant l’Espagne et la France,
Vous trouverez capot… Quinte et Quatorze en main ! »

Cela voulait dire Philippe V (quinte) et Louis XIV.

— C’est bien innocent !… dit l’abbé de Bucquoy.

— Mais non, répondit Renneville ; cette chute en octave et en alexandrin a été admirée de tout le monde. Mais des malveillants ont parodié ces vers en faveur des ennemis, et voici leur version :

Nous ferons un repic… et l’Espagne et la France
Se trouveront capot… Quinte et Quatorze en main.