Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/68

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D’autres prisonniers, moins religieux que politiques, avaient inscrit cette épigramme sur le mur :

Sous Fouquet, qu’on regrette encor,
L’on jouissait du siècle d’or ;
Le siècle d’argent vint ensuite,
Qui fit naître Colbert ; concevant du chagrin,
L’ignare Pelletier, par sa fade conduite,
Amena le siècle d’airain ;
Et la France, aujourd’hui sans argent et sans pain,
Au siècle de fer est réduite
Sous le vorace Pontchartrain !

Un autre, plus hardi, s’était permis de graver dans le mur ces quatre vers :

Louis doit se consoler de perdre par la guerre
Milan, Naples, Sicile, Espagne et Pays-Bas :
Avec la Maintenon, ce prince n’a-t-il pas
Le reste de toute la terre !

L’abbé ne se plaisait pas dans cette chambre octogone, voûtée en ogives, où il se trouvait seul. On lui offrit de le mettre en société avec un capucin nommé Brandebourg ; mais après avoir accepté cette compagnie, il se plaignit de ce que ce religieux avait de grands airs et voulait être traité de prince. Il demanda au gouverneur d’être mis avec quelque bon garçon protestant qu’il pût convertir. Il parla même d’un nommé Grandville, dont les prisonniers de la chambre précédente s’étaient entretenus déjà avec lui.

C’était un homme entreprenant que ce Grandville, et beaucoup moins porté à la conversion qu’aux idées de fuite, dans lesquelles il s’entendait parfaitement avec l’abbé de Bucquoy.