Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/71

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vers la brèche faite à la grille, que l’on essayait en vain d’élargir.

Deux des prisonniers finirent par descendre et apprirent à l’abbé de Bucquoy que Grandville s’était sacrifié dans l’intérêt de tous, disant : « qu’il valait mieux qu’un seul pérît ».

L’abbé n’était inquiet que de la sentinelle ; il offrit d’aller la saisir, attendu que sa marche et son retour gênaient singulièrement le projet de franchir la contrescarpe du côté de la rue Saint-Antoine. Ses amis ne furent pas du même avis, et voulurent s’enfuir d’un autre côté en s’aidant de la hauteur des herbes qui les dérobaient aux regards.

L’abbé, qui n’abandonnait jamais une opinion, resta seul dans le même lieu, attendit que la sentinelle fût éloignée, et se mit à gravir le mur, au-delà duquel il trouva encore un autre fossé. Le fossé fut encore franchi, et il se trouva de l’autre côté sur une gouttière donnant dans la rue Saint-Antoine. Il n’eut plus qu’à descendre le long du toit d’un pavillon qui servait aux marchands bouchers.

Au moment de quitter la gouttière, il voulut voir encore ce que devenaient ses camarades ; mais il entendit un coup de fusil, ce qui lui fit penser qu’ils avaient essayé sans succès de désarmer le factionnaire.

L’abbé de Bucquoy, en sautant hors de la gouttière, s’était fendu le bras à un crochet d’étal. Mais il ne s’occupa point de cet inconvénient et descendit vite la rue Saint-Antoine, puis il gagna celle des Tournelles ; traversant Paris, il arriva à la porte de la Conférence où demeurait un de ses amis du café Laurent. On le cacha pendant quelques jours. Ensuite il ne fit pas la faute de rester dans Paris, et parvint, avec un déguisement, à gagner la