Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/12

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choix de ces sortes d’écrits : il paraissait avoir depuis changé d’idées, et se contentait, pour sa conscience, d’un déisme mitigé.

Ayant fureté dans sa maison jusqu’à découvrir la masse énorme de livres entassés et oubliés au grenier, — la plupart attaqués par les rats, pourris ou mouillés par les eaux pluviales passant dans les intervalles des tuiles, — j’ai, tout jeune, absorbé beaucoup de cette nourriture indigeste ou malsaine pour l’âme ; et, plus tard même, mon jugement a eu à se défendre contre ces impressions primitives.

Peut-être valait-il mieux n’y plus penser : mais il est bon, je crois, de se délivrer de ce qui charge et qui embarrasse l’esprit. Et puis, n’y a-t-il pas quelque chose de raisonnable à tirer même des folies, ne fût-ce que pour se préserver de croire nouveau ce qui est très ancien ?

Ces réflexions m’ont conduit à développer surtout le côté amusant et peut-être instructif que pouvait présenter la vie et le caractère de mes excentriques. — Analyser les bigarrures de l’âme humaine, c’est de la physiologie morale ; — cela vaut bien un travail de naturaliste, de paléographe, ou d’archéologue ; je ne regretterais, puisque je l’ai entrepris, que de le laisser incomplet.

L’histoire du xviiie siècle pouvait sans doute se passer de cette annotation ; mais elle y peut gagner quelque détail imprévu que l’historien scrupuleux ne doit pas négliger. Cette époque a déteint sur nous plus qu’on ne le devait prévoir. Est-ce un bien ? est-ce un mal ? — Qui le sait ?

Mon pauvre oncle disait souvent : « Il faut toujours tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. »

Que devrait-on faire avant d’écrire ?