Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/180

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lent qui devait dans la suite faire plus d’honneur à la prose qu’à la poésie.

De ce moment, une partie de sa vie dut se passer à la Martinique, où l’appelait un poste de contrôleur des Îles-sous-le-Vent. Il y vécut plusieurs années obscur, mais considéré et aimé de tous, et épousa Mademoiselle Élisabeth Roignan, fille du premier juge de la Martinique. Un congé lui permit de revenir pour quelque temps à Paris, où il publia encore quelques poésies. Deux chansons, qui devinrent bientôt célèbres, datent de cette époque, et paraissent résulter du goût qui s’était répandu de rajeunir l’ancienne romance ou ballade française, à l’imitation du sieur de la Monnoye. Ce fut un des premiers essais de cette couleur romantique ou romanesque dont notre littérature devait user et abuser plus tard, et il est remarquable de voir s’y dessiner déjà, à travers mainte incorrection, le talent aventureux de Cazotte.

La première est intitulée la Veillée de la bonne femme, et commence ainsi :


Tout au beau milieu des Ardennes,
Est un château sur le haut d’un rocher,
Où fantômes sont par centaines.
Les voyageurs n’osent en approcher :
Dessus ses tours
Sont nichés les vautours,
Ces oiseaux de malheur.
Hélas ! ma bonne, hélas ! que j’ai grand’peur !


On reconnaît déjà tout à fait le genre de la ballade, telle que la conçoivent les poëtes du Nord, et l’on voit surtout que c’est là du fantastique sérieux ; nous voici bien loin de la poésie musquée de Bernis et de Dorat. La simplicité du style n’exclut pas un certain ton de poésie ferme et colorée qui se montre dans quelques vers.


Tout à l’entour de ses murailles
On croit ouïr les loups-garous hurler,