lier et traversa la foule au moment où Maillard prononçait le mot terrible : « À la Force ! » qui voulait dire : « À la mort ! »
La porte extérieure s’ouvrait, la cour entourée de longs cloîtres, où l’on continuait à égorger, était pleine de monde et retentissait encore du cri des mourants ; la courageuse Élisabeth s’élança entre les deux tueurs qui avaient déjà mis la main sur son père, et qui s’appelaient, dit-on, Michel et Sauvage, et leur demanda, ainsi qu’au peuple, la grâce de son père.
Son apparition inattendue, ses paroles touchantes, l’âge du condamné, presque octogénaire, et dont le crime politique n’était pas facile à définir et à constater, l’effet sublime de ces deux nobles figures, touchante image de l’héroïsme filial, émurent des instincts généreux dans une partie de la foule. On cria grâce de toutes parts. Maillard hésitait encore. Michel versa un verre de vin et dit à Élisabeth :
— Écoutez, citoyenne, pour prouver au citoyen Maillard que vous n’êtes pas une aristocrate, buvez cela au salut de la nation et au triomphe de la République.
La courageuse fille but sans hésiter ; les Marseillais lui firent place, et la foule, applaudissant, s’ouvrit pour laisser passer le père et la fille ; on les reconduisit jusqu’à leur demeure.
On a cherché dans le songe de Cazotte cité plus haut, et dans l’heureuse délivrance chantée par la foule au dénoûment de la scène, quelques rapports vagues de lieux et de détails avec la scène que nous venons de décrire ; il serait puéril de les rélever ; un pressentiment plus évident lui apprit que le beau dévouement de sa fille ne pouvait le soustraire à sa destinée.
Le lendemain du jour où il avait été ramené en triomphe par le peuple, plusieurs de ses amis vinrent le féliciter. Un d’eux, M. de Saint-Charles, lui dit en l’abordant :
— Vous voilà sauvé !