Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/256

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lant d’être chefs de secte, voulaient avoir des disciples qui propageassent leur doctrine : ainsi ils les voulaient outrés et furieux, et ils les ont faits tels. Il y a tant de différence entre de certaines choses et d’autres portées dans les discours de Jésus, qu’il est impossible que la même personne les ait prononcées toutes. Par exemple, Jésus commence son premier discours suivi, en disant : « Heureux les pauvres d’esprit ! » il n’entend pas ici ceux qui en manquent, ni les imbéciles ; mais ceux qui embrassent la pauvreté volontaire et le mépris des choses terrestres, « parce que, » dit-il, « le règne des cieux est à eux, » et cela dans la prédiction qu’il leur faisait du renouvellement du monde. « Heureux ceux qui sont doux, parce qu’ils posséderont la terre (c’est-à-dire la terre qui allait être renouvelée). Heureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés (dans le renouvellement de toutes choses). Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés (dans le jugement qui allait avoir lieu). »

» Ils y ont ajouté : « Heureux ceux qui souffrent la persécution pour la justice, parce que le règne des cieux est à eux. » Remarquez que la conséquence, ici, est la même que celle de la première béatitude proposée, et par conséquent doit avoir été ajoutée ; mais cette maxime est outrée. L’homme de bien doit souffrir courageusement la persécution pour la justice, ne se relâcher en rien ; mais pourquoi se réjouirait-il de cette persécution ? quelque cause qu’elle ait, elle est toujours un mal. Il vaudrait bien mieux pouvoir pratiquer la vertu sans souffrir la persécution.

» Ils ont ajouté encore : « Vous serez heureux, lorsqu’on vous persécutera, lorsqu’on vous maudira, lorsqu’on inventera des calomnies contre vous. » Il n’y a qu’un fou qui puisse se réjouir et se trouver heureux qu’on le persécute, qu’on le maudisse, qu’on invente contre lui des calomnies ; mais les chefs du christianisme avaient besoin de pareils hommes.