Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/411

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L’hôtesse était aimable et sa fille fort avenante, ayant de beaux cheveux châtains, une figure régulière et douce, et ce parler si charmant des pays de brouillard, qui donne aux plus jeunes filles des intonations de contralto, par moments !

— Vous voilà, mes enfants, dit l’hôtesse… Eh bien, on va mettre un fagot dans le feu !

— Nous vous demandons à souper, sans indiscrétion.

— Voulez-vous, dit l’hôtesse, qu’on vous fasse d’abord une soupe à l’oignon ?

— Cela ne peut pas faire de mal ; et ensuite ?

— Ensuite, il y a aussi de la chasse.

Nous vîmes là que nous étions bien tombés.

L’auberge, un peu isolée, mais solidement bâtie, où nous avons pu trouver asile, offre à l’intérieur une cour à galeries d’un système entièrement valaque… Sylvain a embrassé la fille, qui est assez bien découplée, et nous prenons plaisir à nous chauffer les pieds en caressant deux chiens de chasse, attentifs au tournebroche, — qui est l’espoir d’un souper prochain…

Le souper terminé, nous avons erré un peu dans le hameau. Tout était sombre, hors une seule maison, ou plutôt une grange, où des éclats de rire bruyants nous appelèrent. Sylvain fut reconnu, et l’on nous invita à prendre place sur un tas de chènevottes. Les uns faisaient du filet, les autres des nasses ou des paniers. C’est que nous sommes dans un pays de petites rivières et d’étangs. J’entendis là cette chanson :


La belle était assise, — Près du ruisseau coulant, — Et dans l’eau qui frétille, — Baignait ses beaux pieds blancs. — Allons, ma mie, légèrement.


Voilà encore un couplet en assonances, et vous voyez qu’il est charmant, mais je ne puis vous faire entendre l’air. On dirait un de ceux de Charles d’Orléans, que Perne et Choron nous ont traduits en notation moderne. Il s’agit dans cette ballade d’un jeune seigneur qui rencontre une paysanne, et