Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/42

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même de politique ; seulement, il ne les publia pas sous son nom. La philosophie de M. Nicolas contient tout un système panthéiste, où il tente, à la manière des philosophes de cette époque, d’expliquer l’existence du monde et des hommes par une série de créations ou plutôt d’éclosions successives et spontanées ; son système a du rapport avec la cosmogonie de Fourier, lequel a pu lui faire de nombreux emprunts. En politique et en morale, Restif est tout simplement communiste. Selon lui, la propriété est la source de tout vice, de tout crime, de toute corruption ; ses plans de réforme sont longuement décrits dans les livres intitulés : l’Anthropographe, le Gynographe, le Pornographe, etc., qui prouveraient que les penseurs modernes n’ont rien inventé sur ces matières. On retrouve, du reste, les mêmes idées mises en action dans la plupart de ses romans. Le second volume des Contemporaines contient tout un système de banque d’échange pratiqué par des travailleurs et des commerçants, qui, habitant la même rue, établissent entre eux une communauté déjà phalanstérienne.

Revenons avant tout à la biographie personnelle de ce singulier esprit ; il en a semé des fragments dans une foule d’ouvrages où il s’est peint sous des noms supposés, dont plus tard il a donné la clé. Dans une série de pièces et de scènes dialoguées qu’il intitule le Drame de la Vie, il a eu l’idée bizarre de représenter, comme dans une lanterne magique, les scènes principales de son existence ; cela commence aux premiers jeux de sa jeunesse, et cela se termine après les massacres du 2 septembre, qu’il déplore amèrement.

Un autre livre, le Cœur humain dévoilé, décrit avec minutie toutes les impressions de cette vie si laborieuse et si tourmentée. Avant Restif, cinq hommes seulement avait formé le projet hardi de se peindre, saint Augustin, Montaigne, le cardinal de Retz, Jérôme Cardan et Rousseau. Encore n’y a-t-il que les deux derniers qui aient fait le sacrifice complet de leur amour-propre ; Restif est allé plus loin peut-être. « À soixante ans, dit-il, écrasé de dettes, accablé d’infirmités, je me vois