outre mesure. Le pauvre Nicolas ignorait comme elle tout le danger qui existe dans ces confidences, dans ces effusions, où les sens participent avec moins de pureté à l’exaltation de l’âme. Un jour, en passant devant la maison de Mlle Rousseau, Nicolas l’avait vue assise sur un banc, filant près de sa mère, et son pied, suivant les mouvements du rouet, l’avait frappé par sa petitesse et sa forme. En rentrant au presbytère, il jeta un coup d’œil dans la chambre de Marguerite et y aperçut une mule à talon mince, en maroquin vert, dont les coutures avaient conservé leur blancheur.
— Que cette mule, se dit-il en soupirant, serait jolie au pied de Jeannette !
Et il l’emporta pour l’admirer à loisir.
Le lendemain matin, qui était un dimanche, Marguerite cherchait sa chaussure dans toute la maison ; Nicolas trembla qu’elle ne découvrît sa fantaisie, et, en entrant chez elle, il laissa tomber la mule dans un coffre le plus adroitement possible ; mais la gouvernante ne fut pas dupe de cette manœuvre : elle se chaussa sans rien dire cependant. Nicolas admirait comment ce petit objet prenait si facilement la forme du pied de la gouvernante.
— Avouez-moi une chose, lui dit celle-ci avec un sourire, c’est que vous aviez caché ma mule…
Nicolas rougit, mais convint de la vérité. Cette mule avait passé la nuit dans sa chambre.
— Pauvre enfant ! dit-elle, je vous excuse, et je vois que vous seriez capable d’en faire autant pour Jeannette Rousseau qu’un certain Louis Denesvre en a fait pour… une autre.
— Pour qui donc, sœur Marguerite ? (C’était ainsi qu’on l’appelait au presbytère.)
Marguerite ne répondit pas. Nicolas rêva longtemps sur cette demi-confidence. Le surlendemain, la gouvernante avait affaire à la ville voisine, c’est-à-dire à Auxerre. L’âne de la cure était un roussin fort têtu, et qui, plusieurs fois déjà, avait compromis la sûreté de sa maîtresse. Nicolas plus fort que les enfants