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X

SEPTIMANIE

Le goût des autobiographies, des mémoires et des confessions ou confidences, — qui, comme une maladie périodique, se rencontre de temps à autre dans notre siècle, — était devenu une fureur dans les dernières années du siècle précédent. L’exemple de Rousseau n’eut pas toutefois d’imitateur plus hardi que Restif. Il ne se borna pas à faire de ses aventures et de celles de personnes qu’il avait connues le plus grand nombre de ses nouvelles et de ses romans ; il en publia le journal exact et minutieux dans les seize volumes de M. Nicolas, ou le Cœur humain dévoilé, et, non content de ce récit, il en répéta les principaux épisodes sous la forme dramatique. De là une douzaine de pièces en trois et cinq actes remplissant cinq volumes, et dont il est, sous divers noms, le héros éternel.

Si loin que nos auteurs modernes poussent le sentiment de la personnalité, ils restent encore bien en arrière de l’amour-propre d’un tel écrivain. Nous l’avons vu déjà lisant dans les salons des grands seigneurs et des financiers du temps les aventures scabreuses de sa vie, dévoilant ses amours comme ses turpitudes et les secrets de sa famille comme ceux de son ménage. Une audace plus grande encore fut d’écrire la série de pièces qu’il intitule le Drame de la Vie, et de les faire représenter dans diverses maisons, tantôt par des acteurs de la Comédie-Italienne qu’on engageait à cet effet, tantôt à l’aide d’ombres chinoises qu’un artiste italien faisait mouvoir, tandis que lui-même se chargeait du dialogue. Il est impossible de mieux s’exposer en sujet de pathologie et d’anatomie morale. Et malheur à ceux-là mêmes qui assistaient complaisamment à ce dangereux spectacle ! Ils ne songeaient guère qu’ils prendraient place un jour dans ce cadre éclairé d’un reflet de la