Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/103

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Après avoir traversé la petite ville d’Eisenach, simple localité allemande, dépourvue de beautés artistiques, on voit le terrain s’élever. Une verte montagne, couverte de chênes, qu’on avait aperçue de loin, s’ouvre à vous par une longue allée de peupliers d’Italie, entremêlés de sorbiers dont les grappes éclatent dans la verdure comme des grains de corail. Après une heure de marche, on aperçoit le vieux château de la Wartburg, dont les bâtiments, construits en triangle, n’offrent aucune recherche d’architecture, aucun ornement. Il faut se contenter d’admirer la hauteur des murailles grises se découpant sinistrement sur la verte pelouse qui l’entoure, et commandant au-delà des vallées profondes.

L’intérieur n’a de curieux qu’un musée d’armures anciennes, et les deux salles gothiques où l’on retrouve les souvenirs de Luther : la chapelle, avec la haute tribune où il prêchait la réforme, et le cabinet de travail où il passa trois jours en extase et où il jeta son encrier à la tête du diable. — On montre toujours l’encrier et la tache d’encre répandue sur la muraille… Mais le diable, intimidé par la malice des esprits modernes, n’ose plus se faire voir de notre temps !

Deux heures après, j’avais traversé Gotha et Erfurth. L’aspect d’une vallée riante, d’un groupe harmonieux de palais, de villas et de maisons, espacés