Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/14

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que jamais au caprice, à la fantaisie, à ce merveilleux vagabondage dont ceux-là qui l’ignorent disent tant de mal. Au lieu d’acheter avec son argent de la terre, une maison, un impôt à payer, des droits et des devoirs, des soucis, des peines et l’estime de ses voisins les électeurs[1], il avait acheté des morceaux de toiles peintes, des fragments de bois vermoulu, toutes sortes de souvenirs des temps passés, un grand lit de chêne sculpté de haut en bas ; mais le lit acheté et payé, il n’avait plus eu assez d’argent pour acheter de quoi le garnir, et il s’était couché, non pas dans son lit, mais à côté de son lit, sur un matelas d’emprunt. Après quoi, toute sa fortune s’en était allée pièce à pièce, comme s’en allait son esprit, causerie par causerie, bons mots par bons mots ; mais une causerie innocente, mais des bons mois sans malice et qui ne blessaient personne. Il se réveillait en causant le matin, comme l’oiseau se réveille en chantant, et en voilà pour jusqu’au soir. Chante donc, pauvre oiseau sur la branche : chante et ne songe pas à l’hiver ; — laisse les soucis de l’hiver à la fourmi qui rampe à tes pieds.

« Il serait impossible d’expliquer comment cet enfant, car, à tout prendre, c’était un enfant, savait tant de choses sans avoir rien étudié, sinon au ha-

  1. Électeur en 1830, — électeur de naissance, et il ne s’en est jamais vanté…, mais il ne s’est guère permis la vie des pauvres diables qu’à ses moments de loisir. — Éd.