Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/17

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héros que nous avons laissé dans la bataille philosophique ? Si j’étais à la place, je le rappellerais de l’Université, et je lui donnerais une maîtresse. Telles étaient les grandes occupations de sa vie : marier, élever, accorder entre eux toutes sortes de beaux jeunes gens, tout frais éclos de l’imagination de ses voisins ; il se passionnait pour les livres d’autrui bien plus que pour ses propres livres ; quoi qu’il fit, il était tout prêt à tout quitter pour vous suivre. — Tu as une fantaisie, je vais me promener avec elle, bras dessus, bras dessous, pendant que tu resteras à la maison à te réjouir ; et quand il avait bien promené votre poésie, ça et là, dans les sentiers que lui seul il connaissait, au bout de huit jours, il vous la ramenait calme, reposée, la tête couronnée de fleurs, le cœur bien épris, les pieds lavés dans la rosée du matin, la joue animée au soleil de midi. Ceci fait, il revenait tranquillement à sa propre fantaisie qu’il avait abandonnée, sans trop de façon, sur le bord du chemin. Cher et doux bohémien de la prose et des vers ! admirable vagabond dans le royaume de la poésie ! braconnier sur les terres d’autrui ! Mais il abandonnait à qui les voulait prendre les beaux faisans dorés qu’il avait tués !

« Une fois il voulut voir l’Allemagne, qui a toujours été son grand rêve. Il part ; il arrive à Vienne par un beau jour pour la science, par le carnaval