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LORELY

vous avoir parlé une dernière fois… Oh ! la mort me serait trop cruelle alors, et je ferais quelque lâcheté !

marguerite. Mais que me dites-vous là, Frantz ?

frantz. Je vous dis tout ce que je puis vous dire, et ce que je vous cache est le plus terrible… Marguerite ! oh ! j’ai besoin de vous voir demain !

marguerite. Me voir !… eh bien ! demain je pourrai vous recevoir chez moi, Frantz.

frantz. Chez vous ?… ah ! ce n’est pas cela ! chez vous… c’est chez M. Léo Burckart ! Je n’entrerai pas devant tous, en plein jour, chez l’homme qui est devenu l’ennemi de tous mes frères, et dont les mains auront peut-être à se teindre un jour de leur sang !

marguerite. Frantz !

frantz. Oh ! c’est un homme d’honneur, j’en conviens… mais, je vous l’ai dit, il est le soldat d’une opinion et moi je suis celui d’une autre… Hélas ! quelle âme humaine a jamais été soumise à de telles épreuves ?… Écoutez ! point de coquetterie ici, point de vaines terreurs ; quelque chose me dit que cette nuit de demain me sera funeste… Que je vous voie seulement ! que j’entende quelques douces paroles à ce moment suprême… Autrement, seul au monde… à qui dirais-je le secret de ma vie et de ma mort ? Ma mère n’est plus, et je n’ai point d’autre sœur que vous !

marguerite. Ah ! que faire ?