Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
200
LORELY

marguerite. Que tenez-vous là ?

le domestique. Le journal de monseigneur.

marguerite. Donnez… ( Seule.) Monseigneur… quand on l’appelle ainsi, il me semble que c’est un autre que l’on nomme… « À monseigneur le conseiller, président de la régence, Léo Burckart… » Et c’est à tous ces titres qu’il a sacrifié son bonheur, sa tranquillité ; qu’il m’a sacrifiée, moi… J’en suis réduite à chercher dans les journaux ceux qui parlent de lui, pour avoir de ses nouvelles ; et presque toujours comment le traitent-ils ? Une alliance entre le prince et la Bavière ? un mariage… ah ! mon Dieu… un mensonge sans doute ! Vendu à l’Angleterre !… lui, Burckart vendu… oh ! les infâmes ! Il me semble que si j’étais à sa place, j’aurais besoin du bonheur de ma famille pour oublier toutes ces calomnies. Je m’attends toujours à le voir revenir à moi ! le cœur brisé et le front abattu… Revenir à moi !… pourquoi ai-je tressailli à cette idée ?… Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! ce rendez-vous, c’est une trahison ! Frantz est un cœur loyal, mais il s’abuse lui-même. Je n’irai pas. Pendant qu’il me parlait hier… oh ! je vous l’avouerai à vous seul, mon Dieu ! j’étais touchée, ma raison s’égarait par moments… je me suis dit, je crois, que, libre, un tel amour m’aurait rendue heureuse J’ai regretté même un instant que Frantz fût revenu si tard de son voyage ! Je ne le reverrai plus… Je n’irai pas. Mais.